BandeAnnonce Officielle du film de Sergio Leone " IL ÉTAIT UNE FOIS EN AMÉRIQUE" avec Robert De Niro. Il était une fois deux truands juifs, Max et Noodles,
Prod DB © Warner Bros / DR IL ETAIT UNE FOIS EN AMERIQUE ONCE UPON A TIME IN AMERICA de Sergio Leone 1984 USA avec Sergio Leone sur le tournage d'apr?s le roman de Harry Grey Prod DB © Warner Bros / DR Replaçons les choses dans leur contexte. En 1984, lorsque sort Il était une fois en Amérique, Sergio Leone n'est pas en état de grâce. Son dernier long métrage, Il était une fois la révolution, date de 1971 et de nombreux projets ont été refusés par l'intéressé, voire avortés. Le cinéaste italien de 55 ans a également passé le témoin du western-spaghetti, qu'il a lui-même initié et sublimé. Il débute les eighties de façon peu glorieuse, en signant des publicités pour les glaces Gervais, les voitures Renault ou encore Europ Assistance et Palmolive. "Quand je fais un film publicitaire, avoue Leone dans le livre d'entretien avec Noël Simsolo éd. Cahiers du cinéma, je m'amuse !" Le cinéphile, moins, forcément. Et la nostalgie qui accompagne la trilogie des Dollars ou les autres Il était une fois... est teintée d'amertume à l'égard de cet auteur, génie du Cinémascope passé au format carré du petit écran. Leone n'est alors presque plus personne pour une industrie cinématographique qui a changé de visage en une décennie. Le nouvel Hollywood est déjà de l'histoire ancienne, sabordé par ceux-là mêmes qui l'ont érigé. Le cinéma italien, lui, a les deux genoux à terre et la tête plus très droite. C'est dire si la présentation de ce Il était une fois en Amérique au Festival de Cannes, en mai 1984, est inespérée. Son caractère spectral en sidère et en irrite plus d'un. Qu'importe, il est en prise directe avec un monde en mutation. Les premières minutes où un De Niro, ivre d'opium, se perd dans un labyrinthe spatio-temporel nous plongent d'emblée dans une spirale où souvenirs, fantasmes et délires contaminent le présent pour offrir une réalité malade et cadavérique. Le script est inspiré du roman The Hoods, d'Harry Grey, où l'auteur raconte par le menu son passé de gangster. Nous suivons David Aaronson, dit Noodles, élevé dans le quartier juif de New York dans les flamboyantes années 20, sa rencontre décisive avec son frère d'armes, Max, leur ascension dans le milieu du gangstérisme au cours des décennies suivantes et, inévitablement, la chute qui va avec. Comme chez Marcel Proust, la mécanique du temps brouille les pistes et perturbe tous les sens. Vaste programme ! Si actuel et pourtant anachronique à l'heure où naît, à Hollywood, la notion de blockbuster. Un statut qui le place d'emblée hors catégorie. Il était une fois en Amérique est un édifice monumental 3 h 50, appelé à traverser les siècles sans s'épuiser. Sa ressortie en salle aujourd'hui permet de vérifier in situ son formidable potentiel de sidération. Offre limitée. 2 mois pour 1€ sans engagement Au coeur du mytheDans cette merveille - on le répète -, tout est une affaire de temps. Étirées au maximum, les minutes, les heures, les années perdent peu à peu leur identité pour devenir des créatures hybrides qui encerclent les protagonistes. Signe de ce destin, la rencontre entre Noodles et Max se joue autour du vol d'une montre. Plus tard, les clés de la consigne où la bande d'amis entreposera son butin comme ses souvenirs seront planquées dans une horloge. Tic, tac, tic, tac... Un critique américain a justement écrit "C'est également une exploration cinématographique de la notion du temps comment il passe, comment on s'en souvient et, peut-être, comment on perçoit l'avenir." Le film s'articule comme un long flash-back où Noodles, homme grisonnant aux traits tirés, revisite avec désillusion un passé fait de promesses pas toujours tenues, d'honneur bafoué, d'amour sacrifié, et son lot de trahisons. Bien sûr, Sergio Leone a pris ses distances avec le roman, y intégrant des passages de sa mémoire pour en faire, comme il le dit lui-même "Une biographie à deux niveaux ma vie personnelle et ma vie de spectateur de cinéma américain." C'est que l'auteur, Harry Grey, qui se targue d'avoir décrit sans romantisme la réalité du milieu, a truffé son récit d'anecdotes inspirées des nombreux films noirs hollywoodiens. Leone les repère sans mal, "à partir du moment où l'imaginaire prenait autant le dessus sur la réalité, au point que l'auteur croyait faire du neuf avec les stéréotypes les plus courants, c'est que nous étions vraiment au coeur du mythe". Il était une fois... le cinéma ! Comme toutes les grandes oeuvres, l'histoire autour du film n'est pas rose. Il en aura fallu du temps plus de quatre ans, des tractations avec des producteurs pas toujours compréhensifs, des décors naturels éparpillés un peu partout à la gare du Nord de Paris notamment ! ou encore des collaborations avec des scénaristes de tous poils, dont l'écrivain Norman Mailer, pour venir à bout de cette odyssée. Côté casting, Robert De Niro, alors en pleine bourre Taxi Driver, Voyage au bout de l'enfer, Raging Bull,a très vite été pressenti pour incarner Noodles. Pour Max, en revanche, Leone imagine tout d'abord le Français Gérard Depardieu, reproduisant ainsi une partie de l'affiche de 1900,de Bernardo Bertolucci. Ce sera finalement James Woods, repéré au théâtre, qui emportera le morceau. "Son essai n'était pas concluant mais je sentais une réelle névrose derrière son étrange visage." L'art du cinéaste italien est d'avoir confronté le caractère très peu naturaliste du jeu de James Woods à l'intériorité brute de Robert De Niro. Il en résulte un puissant rapport de forces et une étrange connivence, faisant de Max le reflet déformé de Noodles, et réciproquement. L'entente entre De Niro, réputé exigeant, et Leone sera totale. Le cinéaste évoque des débuts houleux pour aboutir à une "harmonie rare". La fin du mondeMais l'héroïne de ce long fleuve "intranquille" est d'abord la mise en scène de Leone, qui réussit à sublimer tout ce que la caméra regarde. Ainsi, cette image de ce morceau de rue nimbé de fumée, où des silhouettes menaçantes viennent bloquer la course d'un enfant devant la majesté du pont de Brooklyn en arrière-plan, s'est imprimée à jamais dans l'inconscient du spectateur. Notons que cette dimension n'a pas forcément sauté aux yeux de tout le monde, à commencer par les distributeurs américains qui ont eu la riche idée de remonter le film de façon plus chronologique. Un peu comme si un galeriste avait demandé à un peintre du dimanche de retoucher les portraits de Picasso afin qu'ils paraissent moins déconstruits. Une aberration dont le marché européen a été heureusement préservé. Mais les chefs-d'oeuvre ont ceci de particulier qu'ils sont indestructibles. Il était une fois en Amériqueest aujourd'hui intouchable et n'a rien perdu de sa capacité à hypnotiser les spectateurs qui ont la chance de l'avoir vu. Leone voyait, dans ce voyage au bout de la nuit, "la fin du monde. La fin d'un genre. La fin du cinéma .... Tout en espérant que ce n'est pas vraiment la fin. Je préfère penser que c'est le prélude à l'agonie". Leone meurt quelques années après la sortie de son film, le 30 avril 1989, à 60 ans, laissant un autre film inachevé. C'est donc cette Amérique fantasmée et baroque qui restera son chant du cygne. Thomas Baurez Les plus lus OpinionsLa chronique de Marion Van RenterghemPar Marion Van RenterghemLa chronique de Sylvain FortPar Sylvain FortLa chronique du Pr Gilles PialouxPar le Pr Gilles PialouxLa chronique de Pierre AssoulinePierre AssoulineIlétait une fois en Amérique étant un film Warner, les productions MGM et Paramount qu'étaient la trilogie du dollars, ainsi que les deux premiers volets de la trilogie américaine, ne sont
Annoncé depuis de nombreux mois avec des durées variables, le montage inédit de Il était une fois en Amérique a été projeté en grandes pompes dans le cadre de Cannes classics avec notamment la présence de Robert De Niro, James Woods, Elizabeth McGovern et Jennifer Connelly qui a fait ses débuts au cinéma à 13 ans pour ce film. Le film de Sergio Leone, restauré par la Cinémathèque de Bologne, a ainsi pu être découvert pour la première fois dans une version de 4h13. C'est donc 24 minutes inédites qui ont été dévoilées avec une intégration soignée même si l'impossibilité de travailler sur du matériau de première génération rend parfaitement décelable les nouvelles séquences. La faute à un grain, un étalonnage et une définition forcement différents du montage cinéma que l'on connait. Très actif dans cette restauration puisque c'est sa fondation, The Film Foundation, qui a financé l'opération grâce à la généreuse donation de 2 millions de dollars de la maison de haute couture Gucci, Martin Scorsese a déclaré à nos confrères du Monde Dans le cas d'Il était une fois en Amérique, je sais que Leone voulait que ces vingt minutes soient rétablies. » On est donc en présence de la version la plus proche à l'heure actuelle - Scorsese évoquant la possibilité dans un futur proche de rajouter vingt autres minutes - de ce que l'on nomme désormais la director's cut de Il était une fois en Amérique. Si, une fois encore, le changement visuel entre les séquences reste préjudiciable à l'harmonie esthétique de l'œuvre, il est indéniable que certaines des nouvelles scènes apportent un éclairage essentiel à l'histoire. Si l'apparition de Louise Fletcher, jusqu'ici uniquement créditée au générique, en directrice du cimetière, était jusqu'ici l'omission la plus médiatique, elle est loin d'être celle qui manquait le plus au récit. Au contraire du personnage d'Eve, la prostituée que Noodles De Niro rencontre dans un bar, après avoir violé Deborah Elizabeth McGovern dans la voiture. Une longue séquence vitale pour découvrir le désarroi de Noodles, regrettant son acte dans une nuit d'amour presque pathétique où il tente d'imaginer Deborah à la place d'Eve - il lui donne même son nom. Juste après, on découvre également Deborah prendre un café avant d'attraper son train, avec le visage toujours aussi choqué par l'événement tragique passé. Une tragédie vécue par les deux personnages qui souffrent à leur façon du drame et qui donne un sens bien plus lourd au bref regard échangé sur le quai de la gare. Dans les derniers instants du film, on découvre désormais une scène essentielle pour mieux comprendre la situation inextricable dans laquelle se trouve le secrétaire d'Etat Bailey donc en vérité Max joué par James Woods. La séquence montre James Conway Treat Williams obligeant Bailey à signer des papiers lui faisant presque tout perdre et lui suggérant en partant de mettre fin à ses jours pour éviter le scandale qui va naître de sa comparution attendue devant la justice. Le désir d'en finir de Max et par la main de son vieil ami, est alors nettement plus compréhensible. Et la scène de montrer que le grand vainqueur de l'Histoire est bien le personnage de Conway, métaphore évidente d'une Amérique où quiconque contrôle les travailleurs, détient le vrai pouvoir. Parmi les autres ajouts, moins vitaux à l'enrichissement du récit, on reste dubitatif sur l'allongement de la séquence où Noodles plonge la voiture dans la mer montrant ses amis inquiets de ne pas le voir remonter à la surface. On ne sait pas si la séquence était originalement voulue pour entendre ce que les comédiens disaient mais là, montée en l'état, seule la musique de Morricone est présente et le rendu n'est pas des plus réussis. La séquence de discussion entre Noodles et son chauffeur joué par le producteur, Arnon Milchan avant qu'ils aillent au restaurant avec Deborah, permet de montrer une grosse différence de point de vue sur la vie entre les deux hommes et une tension naissante qui trouvera écho dans la réaction du chauffeur lorsque celui-ci condamne le viol commis par son boss. Enfin, les retrouvailles entre Noodles et Deborah sont désormais précédées d'une scène où l'on voit Noodles découvrir l'actrice sur scène en train d'interpréter le rôle de Cléopâtre. La découverte de cette nouvelle version de Il était une fois en Amérique, fut quoiqu'il en soit, un moment fort du festival. Et surtout l'occasion de se rendre compte, s'il en était besoin, à quel point le dernier film de Sergio Leone est une œuvre monumentale et peut être le meilleur film qui sera projeté au festival cette année. Quand on pense que l'accueil fut mitigé lors de sa première présentation en mai 1984. Newsletter Ecranlarge Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large. Vous aimerez aussi
Infossur Il était une fois en Amérique. Réalisé par Sergio Leone. Écrit par Leonardo Benvenuti, Piero De Bernardi, Enrico Medioli, Franco Arcalli, Franco Ferrini et Sergio Leone. États-Unis, Italie - 3h49 - Drame, Western. Titre original : Once Upon a Time in America.
Festival de Cannes 2022 L'un a livré au cinéma des films d'anthologie, l'autre s'attelle à les restaurer. Dernier sauvetage en date "Il était une fois en Amérique" lesté de vingt minutes inédites, et présenté à Cannes le 18 mai. Cette épopée, tournée dans le Lower East Side à New York, Scorsese l'a suivie de près. Il la raconte, en cinéphile. Sauver les films des outrages du temps... The Film Foundation, l'organisme créé par Martin Scorsese en 1990, a un nouveau rescapé à son actif après, entre autres, Les Chaussons rouges, de Michael Powell et Le Guépard de Luchino Visconti, voilà que le réalisateur américain s'est installé au chevet d'Il était une fois en Amérique. Par ce titre, Sergio Leone clôturait, en 1984, sa trilogie inaugurée avec Il était une fois dans l'Ouest 1969puis Il était une fois la révolution 1971.Longue de 3 h 49, l'histoire de ces deux gangsters juifs est une élégie funèbre qui doit autant à Proust et La Recherche du temps perdu qu'à la tradition hollywoodienne. Ce fut le dernier film de Sergio Leone, qui meurt en 1989. La copie restaurée, lestée de vingt minutes de scènes inédites, a été sélectionnée à Cannes Classics, une programmation créée en 2004 présentant des films anciens et des chefs-d'oeuvre de l'histoire du cinéma. A cette occasion, Martin Scorsese revient sur sa rencontre avec le cinéaste italien, sur cette oeuvre magistrale, qui traite de la fin d'un monde – l'Amérique de la Prohibition – et marque la fin d'un genre, celui des grandes épopées au cinéma. Quand avez-vous rencontré Sergio Leone pour la première fois ? C'était au Festival de Cannes en 1976, à l'occasion d'un dîner au restaurant l'Oasis, l'année où Taxi Driver était en compétition. Il y avait là Costa-Gavras, Sergio Leone, tous deux membres du jury, moi, Robert De Niro, Paul Schrader, le scénariste de Taxi Driver, Jodie Foster, Michael et Julia Phillips, les producteurs du film. Paul Schrader avait porté un toast à Leone pour le remercier d'avoir tourné avec Il était une fois dans l'Ouest un des plus grands westerns de l'histoire du cinéma. Nous étions arrivés deux jours plus tôt à Cannes et la déprime nous avait gagnés. Tennessee Williams, le président du jury, avait déclaré à la presse qu'il n'aimait pas du tout Taxi Driver, qu'il le trouvait beaucoup trop violent. Au dîner, Sergio Leone et Costa-Gavras nous dirent qu'eux aimaient le film. Nous pensions que Taxi Driver pouvait quand même décrocher un prix, peut-être pour son scénario, ou pour ses acteurs. Mais il a eu la Palme d'or ! Et ça, c'est grâce à Sergio Leone. Comment a évolué votre relation avec lui ? J'ai vécu en partie à Rome entre 1978 et 1981. Je le croisais régulièrement. Notamment lors d'un déjeuner chez lui le 31 décembre 1979. J'ai rencontré sa femme, sa famille, fait la connaissance du décorateur Dante Ferretti avec qui je travaillerai par la suite sur Le Temps de l'innocence, Casino, Kundun, Gangs of New York, Aviator et Hugo Cabret. Comme il savait combien j'aimais Il était une fois dans l'Ouest, il m'a offert sa copie du film. C'est cette copie que j'ai projetée en 1980 au Festival du film de New York. C'était la première fois que je parlais en public de l'enjeu capital que représente la préservation des films, et plus précisément de la question de la couleur, qui passe si les bobines ne sont pas conservées correctement. Quand Sergio Leone est venu à New York, je lui ai proposé de venir dîner chez mes parents qui vivaient encore dans le Lower East Side, dans un immeuble sans ascenseur. Nous y sommes allés avec Elio Petri le metteur en scène de La classe ouvrière va au paradis, Palme d'or au Festival de Cannes en 1972. Il a particulièrement apprécié la cuisine sicilienne de ma mère, très différente de la cuisine romaine à laquelle il était habitué. Et ma mère fut sensible à son coup de fourchette ! A cette époque, je travaillais sur La Valse des pantins avec Robert De Niro. Le film était produit par Arnon Milchan – qui allait devenir le producteur d'Il était une fois en Amérique. Leone n'avait plus tourné depuis dix ans, depuis Il était une fois la révolution, et De Niro n'avait vu aucun de ses films. Comme j'avais encore la copie d'Il était une fois dans l'Ouest, il m'a demandé si je pouvais le projeter pour De Niro. Ce dernier a découvert le film au Museum of Modern Art, et il a immédiatement accepté le rôle du gangster juif. Quelle a été votre première impression face à Il était une fois en Amérique ? Le film est sorti aux Etats-Unis dans une version massacrée de 2 h 15, quand celle de Leone, sortie en Europe, durait 3 h 49. De Niro avait organisé une projection de la version originale au Museum of Modern Art pour mes parents et des amis et moi. Nous étions tous impressionnés par la qualité des images et attristés par la conjoncture des années 1980 qui ne permettait plus de produire une oeuvre pareille. D'ailleurs, le film n'a rien rapporté au box-office. Je me souviens d'avoir été frappé par la précision de la mise en scène. Des détails sur le son et le mouvement des comédiens. Le son déclenche la mémoire. C'est un procédé très littéraire, particulièrement dans la séquence d'ouverture avec cette sonnerie de téléphone qui n'en finit pas. Comment aviez-vous perçu les premiers films de Sergio Leone ? J'avoue avoir été dérouté par Le Bon, la Brute et le Truand. Les critiques français et anglais plaçaient très haut les westerns américains, ceux de Howard Hawks et de John Ford en tête. Et pour un gamin du Lower East Side comme moi, sujet à des crises d'asthme, les horizons du western correspondaient à un ailleurs spécifiquement américain. Du coup, un western italien, signé Sergio Leone... je ne savais pas quoi en penser. Quand j'ai vu Il était une fois dans l'Ouest, je n'ai rien compris non plus. Sa lenteur me déstabilisait. Il a fallu que je revoie le film deux ans plus tard à la télévision pour comprendre qu'un western n'avait pas besoin de racines américaines. Je me suis fait à ses images, à sa musique. Leone ne s'inscrivait pas tant dans la filiation du western que dans la tradition théâtrale italienne qui est celle de l'opéra. Il avait une manière bien à lui de composer avec les archétypes du genre. Comme dans la commedia dell'arte avec Arlequin, Polichinelle, ses personnages portent des masques, et ces masques en cachent beaucoup d'autres. C'est en fait un système de poupées russes. Dans Il était une fois dans l'Ouest, chaque personnage révèle un visage différent au fil de l'histoire. Il était une fois en Amérique a un système comparable. Le film est construit comme un rêve à l'intérieur d'un autre rêve. Il ne s'appuie plus sur les archétypes du cinéma criminel hollywoodien, mais sur les codes d'un mythe, celui de l'Amérique, dans les années 1930, au moment où elle passe de l'anarchie à l'ordre. Avant de réaliser ses westerns, Leone avait signé des péplums, Les Derniers Jours de Pompéi, Le Colosse de Rhodes. Il me disait souvent en plaisantant que sa grande source d'inspiration était... Homère ! Son goût de la mythologie s'est transformé en passion pour le mythe de l'Amérique. Pour lui, les films de John Ford étaient une variante des mythes classiques. Je pense qu'il considérait que ses films étaient des tranches de l'histoire américaine, comme les chapitres d'un manuel scolaire. Par boutade, il aimait répéter qu'Il était une fois en Amérique aurait dû s'intituler Il était une fois un certain type de film se déroule dans le quartier du Lower East Side, à New York, où vous avez grandi. C'est l'un des derniers à avoir été tourné là-bas. Le Lower East Side était un quartier juif et aussi italien. Les deux communautés y vivaient côte à côte. Mon père y a retrouvé sa propre enfance. Ce n'était pas celle d'un gangster, bien sûr, mais il reconnaissait les immeubles, les allées, la vie dans la rue. La scène où le gamin préfère manger son gâteau plutôt que de le donner à la jeune fille pour coucher avec elle... Personnellement, j'avais un problème avec le dernier plan, celui avec Robert De Niro allongé dans une fumerie d'opium qui se met à sourire. Je ne comprenais pas, mais mon père, lui, avait tout saisi. Il a été très touché par le film et je n'arrivais pas à comprendre pourquoi. Peut-être saisissait-il que le personnage principal de ce film n'est pas tant Robert De Niro que la mort, omniprésente ? Absolument. Il était déjà âgé et ça l'a touché. La manière dont De Niro est maquillé en vieil homme, sa démarche il est clair que la prochaine étape est la mort. Le film est une longue élégie. C'est comme si Leone avait pressenti que ce serait son dernier film. Cela explique peut-être son côté hiératique. Nous avons appris la mort de Leone le premier jour du tournage des Affranchis. Je l'avais vu pour la dernière fois à la Mostra de Venise en 1988 lors de la projection de La Dernière Tentation du Christ. Il était très amaigri ; il m'avait demandé des nouvelles de mes parents. Qu'est-ce que les vingt minutes supplémentaires ajoutent à la version restaurée d'Il était une fois en Amérique présentée à Cannes, le 18 mai ? Je crois que, très souvent, il y a une différence entre la version originale d'un film et celle que souhaitait le metteur en scène. La version originale dépend du producteur, de la censure aussi. Je suis toujours très curieux de découvrir la vision du metteur en scène. Là, nous avons retrouvé ces vingt minutes auxquelles j'espère ajouter plus tard vingt autres minutes. Quand vous aimez vraiment un metteur en scène, vous voulez tout voir d'un film. Vous voulez, par exemple, visionner les vingt minutes de 2001 l'odyssée de l'espace coupées au montage, même si c'est Stanley Kubrick lui-même qui les a retirées. Dans le cas d'Il était une fois en Amérique, je sais que Leone voulait que ces vingt minutes soient rétablies. Peut-on déceler l'influence de Sergio Leone dans votre cinéma ? Je travaillais sur le montage de Shutter Island quand j'ai participé à la restauration d'Il était une fois dans l'Ouest. A force de revoir les mêmes scènes, pour vérifier l'étalonnage des couleurs, je me suis surpris à pleurer tant j'étais ému par les visages des comédiens en gros plan, par les mouvements de la caméra, la simplicité des dialogues. Les visages sont filmés comme des paysages, dans des plans très serrés. La même chose s'est produite avec Il était une fois en Amérique. Je pense qu'on retrouve l'influence de Sergio Leone dans Taxi Driver. Mon film est plutôt claustrophobique, mais le cadrage est "leonien". Gangs of New York est largement influencé par Il était une fois dans l'Ouest et Il était une fois en Amérique. Le garçon qui ouvre la porte et découvre la ville recouverte par la neige dans mon film, c'est une évocation du gamin du début d'Il était une fois dans l'Ouest qui s'enfuit de la ferme quand il entend des coups de feu et se fait tuer. Les mouvements de caméra circulaires autour d'un comédien, si typiques de Leone, font partie des effets que j'ai totalement intégrés. Dans mon esprit, Gangs of New York aurait dû durer cinq heures. Au final, nous avons fait le film que nous étions en mesure de faire, avec le budget dont nous disposions... Je crois bien que l'époque où l'on pouvait faire ces grands films épiques est terminée. C'est sans doute pour cela que j'ai fait Boardwalk Empire pour la télévision. La série est largement inspirée d'Il était une fois en Amérique. Nous en sommes à la troisième saison et l'on parle ici déjà d'un film de 42 heures. Je n'ai pas tout réalisé. Mais j'ai supervisé l'intégralité. Samuel Blumenfeld propos recueillis Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Découvrir les offres multicomptes Parce qu’une autre personne ou vous est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil. Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois ordinateur, téléphone ou tablette. Comment ne plus voir ce message ? 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Tiré d’un roman de Harry Grey The Hoods », 1952, totalement oublié dans les années 1980 et toujours inédit en France, le film retrace - avec tous les clichés d’usage - l’ascension et l’amitié d’une poignée de gamins qui inventent leur propre mafia. Alternant le récit au présent et les épisodes au passé, le réalisateur panache le dynamisme des premiers temps et la mélancolie des temps le film testament de Sergio Leone, qui mit plus de dix ans à mettre sur pied le projet et presque un an pour le tourner. Exaspérant par moments, à cause de la pesanteur des scènes le réalisateur s’attarde interminablement avant de passer à la scène suivante, enthousiasmant à d’autres magnifiques plans de décors et instants de tendresse, le film a été coupé par les producteurs, puis rallongé par Sergio Leone, puis rétabli dans sa durée suite après la publicitéSergio Leone voulait signer une oeuvre grande comme une cathédrale », digne d’ Intolérance » ou de Citizen Kane ». Il est mort en 1989, avant d’avoir pu accomplir son rêve. Le visionnage de cette vidéo est susceptible d'entraîner un dépôt de cookies de la part de l'opérateur de la plate-forme vidéo vers laquelle vous serez dirigée. Compte-tenu du refus du dépôt de cookies que vous avez exprimé, afin de respecter votre choix, nous avons bloqué la lecture de cette vidéo. Si vous souhaitez continuer et lire la vidéo, vous devez nous donner votre accord en cliquant sur le bouton ci-dessous. Lundi 17 décembre à 20h55 sur France 5. Drame américain de Sergio Leone 1984 Avec Robert De Niro, James Woods, Elisabeth McGovern. 3h49. ik3Ic6.